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365 jours en Bourgogne

Dictionnaire amoureux des vins de bourgogne (F)

4 Août 2015 , Rédigé par Laurent Gotti Publié dans #Dictionnaire amoureux des vins de Bourgogne

Cave du domaine Heresztyn-Mazzini à Gevrey-Chambertin (Côte de Nuits)F comme fût.

Il est toujours bon d’avoir le mot juste en cave. Si vous descendez dans une cave bourguignonne, vous devrez parler de « fût » pour désigner les contenants en bois de chêne qui ne manqueront pas de s’aligner sous vos yeux. Abstenez-vous surtout d’employer le nom « barrique » qui renvoie à la terminologie bordelaise… Quant à l’usage du terme « tonneau », il est trop généraliste, voire à connotation maritime*, pour être sérieusement employé par un expert en vin.
Le must en Bourgogne est d’utiliser le terme local : la pièce. Il s’agit d’un fût de chêne de 228 litres (la barrique bordelaise contient 225 litres). L’équivalent de 300 bouteilles en théorie. En pratique, il faut soustraire une vingtaine de bouteilles du total, résultat de la présence de lies (levures mortes) au fond du récipient.
Si les Egyptiens, les Grecs, les Romains ont une antériorité certaine dans la production du vin, son vieillissement sous-bois est l’un des apports majeurs de nos prédécesseurs les Gaulois. Grâce à la porosité du bois, le vin consomme tout son sucre au cours de son élaboration : le fût lui apporte l'oxygène nécessaire à la fermentation et le breuvage devient alors stable. Bien plus qu’un simple contenant, le fût constitue donc une invention œnologique fondamentale. Il a beaucoup simplifié les méthodes d’élaboration, les rendant moins aléatoires et moins coûteuses, tout en ouvrant la voie à l’émergence des vins de garde.
D’ailleurs, la mention « élevé en fût de chêne » est parfois utilisée encore aujourd’hui sur des étiquettes de vin bas de gamme pour faire illusion. Quant aux tonnelleries françaises, elles demeurent les références incontournables de ce secteur. Leurs productions sont présentes dans les bonnes caves du monde entier.
Récipient de vinification certes mais aussi renfort aromatique, l’emploi du fût de chêne est l’objet de mode et de "contre-mode". Les décennies 1990 et 2000 ont été marquées par un retour en force du fût neuf. Reconnaissable à leurs arômes de vanille, d’épices, de fumée, de pain grillé, de fruits secs, etc., les vins qui ont largement connu le fût neuf ont le mérite de séduire et de rassurer des nouveaux consommateurs. Certains critiques, on pense bien-sûr à un célèbre Américain, l’ont bien compris et ont encouragé cette tendance.
Le fût de chêne est alors devenu le symbole de la standardisation mondialisée, le fossoyeur de la diversité des terroirs. Certains « experts » de la dégustation y sont quasiment intolérants…
En Bourgogne, l’époque des excès en matière de fût neuf est révolue. Et c’est tant mieux pour une région qui se veut le chantre du terroir. Pour autant, percevoir quelques notes boisées en dégustant un vin jeune est chose fréquente et en aucun cas un outrage.
Beaucoup de vignerons bourguignons expliquent que la première qualité d’un élevage en fût de chêne consiste à se faire oublier. D’autres emploient une métaphore gastronomique comparant le fût neuf à la pincée de sel qui relève les plats, même les meilleurs. Une question de dosage et de mesure, une fois de plus…

* Ce terme est encore employé par les négociants bordelais pour parler d’un volume de 900 litres de vin (quatre barriques) bien que l’usage de ce récipient ait disparu.

Photo : Cave du domaine Heresztyn-Mazzini à Gevrey-Chambertin (Côte de Nuits).

Fabrication d'un fût de chêne (à la tonnellerie François Frères).

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