Dictionnaire amoureux des vins de Bourgogne (C)
C comme Clos. Nous admirions le Clos des Perrières (Meursault). Une halte au cours d'une tournée des terroirs les plus prestigieux de la Côte de Beaune en compagnie d’un petit groupe d’amateurs de vins.
Cet après-midi d'automne, frais et humide, n’avait pas refroidi nos ardeurs. J’expliquais à mes hôtes l’origine de ces fameux clos qui parsèment le vignoble bourguignon.
J’évoquais ce que nous apprennent aujourd’hui les historiens à leur sujet : davantage qu’une délimitation d’un terroir particulièrement apte à donner des grands vins, les clos étaient plus certainement une avantageuse délimitation fiscale… Une zone franche en résumé.
Une hypothèse que mon auditoire n’eut aucune difficulté à concevoir : ils étaient Suisses ! « Je comprends, réagit l’un d'eux, les ceps sont dans leurs clos comme les billets dans nos coffres-forts. Là c'est le cep de Johnny, là celui de Cahuzac... ».
C’est ce que confirme, en d’autres termes, Marion Foucher de l’Unité Mixte de recherche Artéhis de Dijon. Elle évoque le cas du Clos de Vougeot : « Les moines de Cîteaux ont obtenu une exonération d'impôt dans un secteur qui correspond au dessin du clos, à condition qu'il soit planté en vigne ». Les clos auraient donc été inventés au Moyen-âge comme d’autres, plus tard, se sont forgés un bouclier fiscal.
Voilà qui tempère l’idée que les moines ont été les précurseurs de la notion de terroir. Il a aussi été parfois avancé que ces murs étaient érigés pour protéger les cultures des animaux qui paissaient dans les alentours (ce n'est plus la version suisse mais corse).
La notion de clos est, quoiqu’il en soit, profondément liée à l’identité bourguignonne. Ils sont installés dans le paysage depuis plus d’un millénaire. Les Bordelais ont leurs « châteaux », les Bourguignons ont leurs clos. C’est sans doute ce qui explique qu’ils ont fini par rejoindre, plus ou moins retrospectivement, la saga des terroirs.
Constructions en pierre sèches, en calcaire, ils sont de remarquables exemples de savoir-faire paysan. Leur utilité écologique (biodiversité, lutte contre l’érosion) est avérée. L’apparition du tracteur, dans les années 1950, leur a fait du tort. Un travail de sensibilisation reste à faire pour la cause de leur préservation et restauration (dans les règles de l’art).
Le doyen des clos bourguignons (et du monde ?) serait le Clos de Bèze, un grand cru de Gevrey-Chambertin. Comme le Clos de Vougeot, son origine est monastique (il a pris le nom d’une abbaye située près de Dijon). Des archives ont prouvé son existence dès 630. Mais sur le terrain, les murs ont subi le même sort que ceux de l’abbaye : ils ont disparu.
Bref, si beaucoup de clos en Bourgogne ont encore leur délimitation en dur, certains n’en ont plus qu’une partie. Ou ne sont plus qu'un souvenir perpétué sur les étiquettes.
Pas plus que la mention de "château" sur une étiquette, celle de "clos" n'est une garantie de qualité pour un vin. Constatons toutefois que beaucoup des plus fameux des terroirs bourguignons sont des clos. Et beaucoup aussi ont un rapport avec la religion (moines, mais aussi évêques, chanoines). On pourrait en rédiger une liste longue comme les murs du Clos de Vougeot (3 km au total...).
Photo : Le Clos de la Perrière à Vougeot (à ne pas confondre avec le Clos des Perrières de Meursault). Perrière désigne une carrière. Dans le cas présent c'est la carrière qui a servi à la construction du château du Clos de Vougeot.
Commenter cet article