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365 jours en Bourgogne

Vins naturels : pièges à gogos ?

11 Mai 2011 , Rédigé par Laurent Gotti

"L'histoire du vin n'aurait pas duré longtemps avec de telles déguelasseries". C’est Bruno Quenioux, pourtant promoteur historique des vins bios, qui l’affirme. Débat !

 

Bruno Quenioux cavisteRarement il m’aura été donné de retranscrire des propos aussi cinglants. Ils sont de Bruno Quenioux, créateur et ancien responsable de la cave de Lafayette Gourmet (Paris). Je le questionnais sur la tendance, très parisienne, pour les vins dits "naturels", les vins "sans soufre". Le soufre est un antiseptique et un conservateur utilisé pour stabiliser le vin. La plupart en contiennent sous peine de finir en vinaigre. La réponse de Bruno Quenioux n’a pas tardé : "Qu'est ce que ça veut dire vins naturels ? Il n'y a aucun cahier des charges, pas de contrôles. La neige carbonique est naturelle. Vous en mettez sur les raisins à la place du soufre : les structures phénoliques sont toutes brûlées… Qu'on ne s'étonne pas de constater des déviations dans le vin ! Il faut arrêter de monter un label avec ça. Il y a un vrai problème de légitimité. Les clients sont perdus, ils ne savent plus où aller. On est en train de revenir à la vinasse. Certains disent : "Ça c'est un vin authentique !". Ce n'est pas vrai du tout. L'histoire du vin n'aurait pas duré longtemps avec de telles déguelasseries. Un tas de gogos sont paumés au niveau de leurs goûts. Ils ne s'écoutent plus et deviennent capables de boire n'importe quoi. On fait même face à un problème sanitaire. Moi je ne rentre pas là dedans". Il ajoute plus loin : "Dommage que de grands vignerons crédibilisent une telle médiocrité".

Sa prise de position est d’autant plus intéressante que Bruno Quenioux est l’un des promoteurs historiques des vins bios. Il avait largement anticipé, puis accompagné, l’émergence de ces vins à Lafayette Gourmet à partir de 1990. La tendance au "naturel" trouve donc de sérieuses limites à ses yeux.

En prenant ses distances avec l’air du temps, Bruno Quenioux crédibilise son approche du vin. Autant la montée de la viticulture bio est un véritable mouvement de fond qui trouve aujourd’hui sa légitimité scientifique face aux questions et impasses de l’agrochimie. Autant la mode urbaine des vins naturels n’est qu’un feu de paille, un snobisme de pseudo-connaisseurs. Elle finira par s’éteindre. Assez vite, on l’espère, pour ne pas ternir collatéralement les vins bios.

En attendant, rien n’empêche les producteurs de se questionner sur l’emploi du soufre. Quelques jours après cette interview de Bruno Quenioux, les coïncidences des rencontres m’ont emmené chez Pablo et Vincent Chevrot (Cheilly-lès-Maranges), domaine de 17 hectares qui terminera sa conversion à la viticulture biologique cette année. Pablo a décidé de tester la vinification sans soufre sur une cuvée de maranges 2010. Ce jeune viticulteur est, comme son frère, titulaire d’un diplôme national d’œnologie et n’ignore rien des contraintes d’élaboration d’un vin. Il a fait fermenter des raisins issus de la même vigne avec un peu et pas du tout de soufre. Il me propose de descendre en cave, goûter, "à l’aveugle", les deux cuvées encore en fûts. Sans hésitation, je lui désigne le verre de gauche comme étant le vin exempt de soufre. Il est plus expressif au nez, plus croquant en bouche avec des tannins moins accrocheurs en finale. Un vin tout simplement plus digeste. Des caractères que j'avais également appréciés en goûtant des morgon de Marcel Lapierre ou de Jean Foillard et un délicieux moulin à vent 2006 de Jean-Paul Dubost. Sans oublier un magnifique chablis grand cru Vaudésir 1995 de la maison Verget, goûté en 2008 en compagnie de Jean-Marie Guffens. Tout simplement l’un des plus beaux chablis qu’il m’ait été donné de déguster.

Contradictoire avec les propos de Quenioux direz-vous ! Certes. Mais ces vins ont été dégustés en cave ou après un minimum de transport. Ils n’ont pas eu à pâtir de l’absence (ou quasi absence) de protection du soufre. Il aurait fallu garantir une chaine du froid sans faiblesse pour que ces bouteilles contiennent toujours un vin "propre" et marchand à leur destination. Pablo Chevrot le sait, il a bien insisté sur le fait qu’il s’agissait d’un essai de vinification sans soufre. Lors de la mise en bouteille, ou pendant la suite de l’élevage si nécessaire, ce vin recevra une petite quantité de soufre. Un peu de pragmatisme n’est pas interdit, y compris dans le monde du vin...

 

 

L'intégralité de l'interview de Bruno Quenioux sera à lire dans Bourgogne Aujourd'hui n°100 à paraître début juin.

 

 

Photo : Bruno Quenioux dans sa cave "Philovino" à Paris (5e).

 

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J
Il faut arrêter avec ce côté bobo des vins naturels. C'est juste à la mode ! On entend ça depuis 25 ans (Réveillez vous M Quenioux !)<br /> <br /> Un vin naturel, effectivement, législativement ne veut rien dire, éthymologiquement je pense que oui, (sinon il y a la l'AVN (Association des Vins Naturels) avec sa Charte interne, et Demeter assez<br /> pointu en vinif).<br /> Pour ma part il s'agit de vins issu de l'agriculture bio ou biodynamique où il y a un travail du sol, petits rendements, vendange manuelle, raisins non levurés, pas de chimie aux chais avec ou sans<br /> sulfite (dose de SO2 inférieure à 40 mg/L total), des vins honnêtes sans intervention grotesque (levurage, sulfitage déraisonné, gomme arabique, acidification,micro-bullage, osmose, barriques<br /> 'maquilleuses' etc ....<br /> <br /> Je reviens sur 'On fait même face à un problème sanitaire', qu'elle honte de lire ça de la part d'un professionnel du vin. Le problème sanitaire il est dans l'utilisation massive des pesticides,<br /> fongicides, et désherbants ainsi que les centaines de produits oenologiques autorisés en vinification. Sachez que l'anhydride sulfureux est classé cancerigène par l'OMS (dose de 25mg par jour, par<br /> adulte à ne pas dépassé, soit un verre de vin en respectant la norme Européenne).<br /> <br /> Dans les vins naturels, il y a des vins déviants (c'est plus compliqué que d'aller prendre les levures chez oenofrance et de mettre une tartine de 200mg/L de SO2) c'est sur!, mais les<br /> dégueulasseries je les trouve plutôt sur le marché des vins industriels et conventionnels.<br /> <br /> Le fait de trouver des vins vivants qui peuvent me décevoir un jour et m'émerveiller le lendemain me satisfait. C'est dans l'ordre de la vie, de la nature et du bon sens, plutôt que d'aller<br /> chercher des produits standardisés sans goût, et sans vie.<br /> <br /> JOYEUX NECTARS<br /> Caviste ambulant - Marais Poitevin - Vendée ! (C'est pas trop Bobo ! Désolé !)<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> La conscience se cultive tout comme le goût et ceci pas forcément dans un cadre bobo Parisien.
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L
<br /> Cette représentation du monde du vin naturel est tellement carricaturale ! Elle dénote une telle ignorance (ou un manque de jugement, c'est selon).<br /> La vrai mode, néfaste et piège à gogo, c'ets celle du vin bio et elle n'est le fait que des gros circuits de distrubtion (comme le Lafayette Gourmet). Le vin naturel, c'est autre chose. La mode du<br /> vin bio, effectivement, perd l'acheteur en cherchant la certificatoin au détriment du goût. Parce que les modes de production, hormis le sulfatage, est le même. Une production d'usine restera une<br /> production d'usine, qu'elle soit bio sur une cuvée et "non bio" sur tout le reste.<br /> Les vins naturels, c'est un monde de petites productions, un vrai travail d'oenologue sur des petites parcelles et qui ne s'interdit pas de sulfater quand c'est nécessaire. C'est souvent par contre<br /> non filtré. Cela sort des production parfois irrégulières sur certains domaines, mais quand la maîtrise arrive, c'est magnifique. Et là, le vrai amateur de vin vit les plus belles émotions qui<br /> soient avec des vins qui évolue et respirent dans le verre et une diversité incroyable. Un vin naturel est l'expression de l'esprit du vigneron, que les amateuurs connaissent par leur nom.<br /> <br /> Un peu étonné par les amalgames qui sont faits ici, sur le blog d'un "journaliste vinicole" ( ?)... Prendre Bruno Quenioux, promoteur d'un vin de grosse vente, formaté.... pour une référence, qui<br /> plus est.... Si encore distinction était faite entre vins bios et vins naturels... On n'est pas encore arrivés au bout de nos peines !<br /> <br /> <br />
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T
<br /> Dans sa critique sur les vins dit natures , Bruno quenioux affirme que ces vins sont d'autants plus néfastes pour la santé que ceux fait de manière plus conventionnel . Son autre argument majeur<br /> est de dire que les vins natures ne sont pas des vins véritable car ils sont pour la plupart fait en macération carbonique . Il est vrai qu'une grande partie des rouges de loire procède à ce schéma<br /> de vinification. Mais la plupart sont fait avec du gamay qui se prête parfaitement à la carbo comme la si bien démontré Jules Chauvet.<br /> Helas pour M quenioux mes plus grand souvenir de dégustations se sont fait avec des vins dit natures (thierry allemand , Pierre overnoy, Jb Senat...). Je trouve dans ses vins bien entendu un côté<br /> digest mais surtout une grande authenticité un produit véritable ou le vigneron n' a pas le droit à l'erreur tout au long du processus de viti et vinif . Cet aspect la on le retrouve en biodynamie<br /> mais aussi en Bio.Comme le dit la charte de l'AVN les vins qu'on appelle nature doivent obéir à ces deux pratiques viticoles ou bien en être très proche.<br /> Ce qui me dérange le plus dans ce mouvement c'est le côté "Chapelle" , je ne pense pas que ce soit une solution de classer chaque type de vin . J'aime les vins éthique qui respecte l'environnement<br /> reflète le travail acharné et méticuleux du vigneron qui va chercher à donner à son vin une expression du terroir.Concernant l'utilisation du souffre bien sur qu'il faut le limiter au maximum car<br /> il tue le vin le dénature le rend standart , mais à dose minimale il est nécéssaire au vin pour sa conservation. La plupart des vignerons appartenant à ce mouvement le soutiennent tel Marcel<br /> richaud. Pour en revenir à M quenioux qui s'autoproclame fondateur des vins natures et qui désormais les décrit , passez le voir dans sa cave (Philovino) vous comprendrez la raison de ses propos.<br /> En guise de conclusion le vin nature bio et biodynamiste est sans doute une mode mais je préfère parler d'un retour en arrière face à 3 décénies d'agriculture chimique<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Peut être qu'on pourrait en discuter un de ces jours.<br /> Ca m'intéresserait personnellement.<br /> Si jamais vous avec l'occasion de venir à Paris. Devant une bouteille de vin!<br /> <br /> cordialement<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Voilà une proposition qui trahi un authentique amateur ! La réciproque est vraie si vous passez en Bourgogne !<br /> <br /> <br /> Cordialement, <br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> Je ne me suis jamais posé en amateur "pointu". Et je ne suis pas venu craché sur le bio lui même. Je me nourris autant que possible de produits biologiques et suis très sensible à l'impact positif<br /> de ce type d'agriculture sur l'environnement. Je n'ai fait que - défendre les vignerons dits "nature" qui, pour la majorité, sont comme vous le dites vous même sincères et font de belles choses,<br /> parfois de sublimes (en réponse au terme "dégueulasserie" employé par un autre).<br /> - préciser qu'en ce qui concerne le vin la mention biologique, très lourde de sens pour le consommateur, cache des choses (ce n'est vrai que pour le raisin, pas pour la vinification en aval).<br /> <br /> Le fait qu'il n'existe pas de cahier des charges pour le vin dit "naturel" peut en effet poser un problème au consommateur. Ca ne signifie pas que le vin naturel dans sa globalité, c'est de la<br /> merde.<br /> <br /> <br />
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