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365 jours en Bourgogne

Grands crus : la machine à vendanger interdite ?

27 Mai 2011 , Rédigé par Laurent Gotti Publié dans #Grand cru, #polémique, #AOC

Cinq propriétaires de grands crus souhaitent interdire la machine à vendanger dans leurs vignes. Traditionalisme ou salutaire réflexe de sauvegarde ?

Vendanges-manuelles.jpgUne machine à vendanger dans le Clos de Vougeot ! Impossible ? Non, c'est la scène à laquelle on peut assister tous les ans. Un des propriétaires de ce fameux clos a pris cette option depuis quelques années déjà. Et ce n'est pas l'unique cas de grands crus vendangés à la machine.

Les puristes, attachés à la tradition ou au "folklore" des vendanges, s'offusquent. Il n'y pas qu'eux.

Les grands crus monopoles, La Romanée, La Romanée-Conti, La Tâche, Clos de Tart et La Grande Rue souhaitent que leurs cahiers des charges d'appellation bannissent l'utilisation de ces machines. La proposition a été faite à l'Institut des appellations (INAO). Pourquoi ces cinq là ? Il s'agit de grands crus monopoles dont les propriétaires ont toute latitude pour demander l'amendement des décrets régissant leurs conditions de production, sans rendre de comptes à leurs collègues.

Les tenants de la machine plaideront qu'un engin bien mené et bien réglé fait du bon travail. "Peut-être meilleur encore qu'une équipe de mauvais vendangeurs", entend-on régulièrement. Sans doute vrai. Mais les partisans de l'interdiction ne manquent pas d'objections. Louis-Michel Liger-Belair (propriétaire de La Romanée), président de l'Union des grands crus, fait le tour des arguments plaidant pour l'interdiction. Parmi eux, la configuration des terroirs en grand cru. Installés sur des pentes souvent relativement inclinées, la conduite et le réglage de la machine y sont délicats. Par ailleurs, une vendange mécanique rend le tri des raisins difficiles. Il faut aussi déplorer les éventuels dégâts infligés aux ceps secoués. Ou encore insister sur le fait que le passage d'une machine lourde n'est pas très bon pour les sols… Enfin, et c'est sans doute l'argument qualitatif le plus important : le pinot noir, cépage fragile, déteste être trituré. Plus les raisins sont mis en cuve frais, et parfaitement intacts, plus les chances de produire un grand vin sont importantes. La machine n'offre pas les meilleures garanties dans ce domaine. Beaucoup moins en tous cas que des grappes délicatement posées dans une petite caisse et transportées à la cuverie sans crainte de tassement.

Il est largement admis dans la communauté vigneronne que la machine obère la qualité des vins rouges, mais pas ou très peu celle des blancs (le chardonnay étant moins délicat).

Le seul élément positif de la machine est d'éviter au producteur d'avoir à mobiliser rapidement et à gérer les équipes de vendangeurs. La tâche, c'est vrai, n'est pas toujours simple quand on veut cueillir au juste moment.

Certains producteurs adeptes de la machine en reviennent. Patrick Mallard (Ladoix-Serrigny), propriétaire dans les Cortons a réinvesti dans le sécateur lors des dernières vendanges. Jusqu'alors tenant du 100% machine, il a récolté ses grands crus 2010 à la main. "Ces vins ont plus de fond", constate-t-il. Il prévoit de repasser une plus grande partie du domaine aux vendanges manuelles dès la prochaine récolte.

"Les études ont montré que la qualité d'une vendange mécanique est inférieure à celle d'une vendange manuelle. Les Champenois et les producteurs de crémants de Bourgogne l'ont interdite, nous pouvons nous permettre de l'interdire nous aussi !", conclut Louis-Michel Liger-Belair.

Enfin, on peut aussi évoquer le rôle social des vendanges, une de ces activités ritualisées qui rythmait la vie de nos campagnes il y a encore peu. Elle continue à fournir quelques milliers d'emplois chaque année.

Economiquement, la machine n'a pas grand avantage : une économie de seulement 1 000 euros à l'hectare (selon Louis-Michel Liger Belair). Le prix de quelques fûts neufs… N'oublions pas que l'on parle ici de la crème de la crème de la Bourgogne : les 2% de sa superficie la mieux valorisée… La Bourgogne des grands crus s'honorerait à généraliser cette interdiction.

Photo : Vendanges, manuelles, d'un grand cru de la Côte de Nuits. 

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