Pour en finir avec les gourous dégustateurs
Un article paru dans la revue Vinum tord la cou au "mythe du grand nez". Certaines évidences physiologiques sont encore très mal comprises dans le monde du vin.
Le grand dégustateur, infaillible et omnipotent, n'existe pas ! On ne le rappellera jamais assez aux "non-initiés" du vin. Non pas qu'il faille absolument défaire certaines réputations savamment conquises, mais l'inhibition de "ceux qui ne savent pas" à l'égard de "ceux qui savent" est un tue-la-convivialité. Il suffit de mettre un verre dans les mains de nombreuses personnes pour qu'elles perdent toute confiance en leurs sensations. "De toute façon je n'y connais rien", "Je n'ai pas le nez qu'il faut", etc. Des sentences d'auto-exclusion trop fréquemment entendues. Pourquoi continuer à se gâcher le plaisir quand on connaît la subjectivité des jugements émis, même par les plus brillantes sommités de la critique vinicole ?
Un article paru dans la revue Vinum "Le mythe du grand nez", enfonce le clou. La journaliste Britta Wiegelmann fait ce constat : "Beaucoup de professionnels du vin ne connaissent pas (ou pour être honnête ne veulent pas reconnaître) le rôle prépondérant de la biologie et de la physiologie dans une dégustation".
L'article insiste sur les différences de sensibilité olfactives existant d'un individu à l'autre. Savez-vous, par exemple, qu'une personne sur quatre est incapable de percevoir le bourgeonal, la molécule du parfum du muguet ? La violette offre un autre cas intéressant : la moitié de l'humanité est extrêmement sensible à cet arôme et l'apprécie. L'autre moitié le perçoit à peine et ne l'aime pas.
Évoquons enfin la fameuse molécule propre au cépage sauvignon (4MMP en abrégé). "Cette molécule a une particularité : la qualité de l'odeur qu'elle exhale varie en fonction de sa quantité. A faible concentration le 4MMP déploie un parfum de fleurs et d'agrumes, alors qu'à haute dose il passe progressivement du plant de tomate au pipi de chat. Maintenant imaginez deux personnes à la sensibilité très différente par rapport au 4MMP : l'une sera émerveillée par le parfum raffiné de fleurs, alors que l'autre cherchera sous la table si un matou ne s'y est pas réfugié", expose Britta Wiegelmann. Pour couronner le tout, le vin contient près de 500 molécules différentes. On comprend mieux pourquoi chacun exprime des références très différentes en mettant le nez dans le même verre.
L'article de Vinum me remémore une interview de Patrick Mac Leod, neurobiologiste de renom. Il soulignait que chaque individu dispose de 347 gènes dédiés à l'olfaction et que 50% sont différents d'une personne à l'autre. Dans ces conditions, il est rigoureusement impossible que nous sentions la même chose que notre voisin.
Et il ne s'agit là que de l'aspect physiologique des choses ! Le nez est aussi l'unique organe en prise directe avec la partie du cerveau responsable des émotions. Il suffit, par exemple, que dans votre enfance l'odeur de la banane ait été associée à un événement désagréable pour que vous n'aimiez pas la banane.
Dans ces conditions, tout jugement émis sur un vin ne peut engager que son auteur ! Qu'on se le dise...
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